Saleh ben Fawzan, nouveau mufti d’Arabie saoudite : la tradition au service de la modernité du prince héritier Mohammed ben Salmane
À 90 ans, Saleh ben Fawzan devient grand mufti d’Arabie saoudite, succédant à Abdulaziz Al-Sheikh. Figure du salafisme wahhabite, il est loyal au pouvoir et incarne l’équilibre entre la tradition religieuse et les réformes de Mohammed ben Salmane. Sa nomination pourrait annoncer une future transition générationnelle.
À 90 ans, Cheikh Saleh ben Fawzan ben Abdullah Al-Fawzan succède au défunt grand mufti Abdulaziz ben Abdullah Al-Sheikh, disparu en septembre, et devient le plus haut dignitaire religieux d’Arabie saoudite. Sa nomination, officialisée le 22 octobre par décret royal sur proposition du prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), marque un nouvel équilibre entre continuité doctrinale et fidélité politique.
Né en 1935 dans la province d’al-Qassim, ce théologien salafiste s’inscrit dans la lignée wahhabite fondatrice du royaume, prônant un retour à l’islam des origines tout en affichant une loyauté sans faille envers le pouvoir.
Un mufti pas très compatible avec les jeux vidéos
Saleh ben Fawzan s’est imposé depuis les années 1980 comme une figure influente de l’establishment religieux saoudien. Membre du Conseil des grands érudits, du Comité permanent des recherches islamiques et de la délivrance des fatwas, ainsi que du Conseil islamique du Fiqh de la Ligue islamique mondiale, il est l’un des principaux relais de l’orthodoxie sunnite officielle.
Élève du grand mufti Ibn Baz, il s’est fait connaître par ses émissions radiophoniques et ses interventions médiatiques, souvent marquées par une vision rigoriste de la religion. Human Rights Watch avait d’ailleurs épinglé ses propos en 2017, notamment ses déclarations hostiles aux chiites ou sa défense passée de pratiques jugées rétrogrades, comme l’esclavage, ou la censure de jeux vidéo tels que Pokémon Go.
Pour MBS, ce choix relève d’un calcul politique : confier la direction spirituelle du royaume à un religieux respecté mais conciliant, garantissant la stabilité doctrinale tout en accompagnant la modernisation du pays. Saleh ben Fawzan incarne un compromis entre fidélité à la tradition wahhabite et obéissance au pouvoir réformateur. Sa présence au sein de la Ligue islamique mondiale, instrument clé de la diplomatie religieuse saoudienne, renforce cette stratégie d’un « islam modéré » contrôlé par les autorités.
Reste une interrogation majeure : à 90 ans, combien de temps le nouveau grand mufti pourra-t-il exercer son influence ? Certains observateurs estiment que sa nomination prépare en douceur la transition vers une génération de religieux plus jeunes, davantage alignés sur les ambitions de MBS.
