Entre promesses martiales et envolées planétaires, le président français incarne une mutation politique jugée frivole, creuse et marginalisée. L’écrivain russe Sergueï Strokan dresse un portrait implacable d’Emmanuel Macron, devenu selon lui le «fantôme» d’une Europe déboussolée.
Le président français Emmanuel Macron a fait une nouvelle déclaration sur la crise ukrainienne. Elle ne contenait rien de nouveau, d’ailleurs. « Nous continuerons de renforcer l’aide à l’Ukraine et d’accentuer la pression sur la Russie », a écrit Monsieur Macron sur le réseau social X. Cette promesse de continuer à avancer sur la voie toute tracée du « parti de la guerre » européen avait été précédée de négociations entre le président Macron et le chancelier allemand Merz, au cours desquelles les deux dirigeants étaient convenus de redynamiser le partenariat bilatéral face au conflit en Ukraine.
Le refrain sur l’aide à l’Ukraine et la pression sur la Russie, entonné dès le début de l’opération militaire spéciale, est depuis longtemps devenu un passage obligé des discours des responsables occidentaux. Un réflexe automatique.
Pourtant, sur le fond, il devient de plus en plus difficile aujourd’hui de faire accepter de nouvelles sanctions contre la Russie ou bien une accélération des livraisons d’armes à Kiev.
L’époque du président Biden, où l’Occident apparaissait uni dans sa pression sur Moscou et dans l’exécution de tous les souhaits et demandes de Kiev, est révolue, et il semble peu probable qu’elle revienne sous l’actuelle administration américaine.
Le début de l’année a marqué un tournant historique dans les relations entre les alliés de l’OTAN. Le président Trump, il est vrai, a lui aussi évoqué la possibilité d’imposer des sanctions à la Russie, fixant d’abord un délai de 50 jours – jusqu’au 3 septembre – pour parvenir à la paix en Ukraine, avant de modifier cette date limite. Mais personne ne sait avec certitude s’il s’agit d’une menace réelle ou d’une stratégie de négociation.
Pour l’instant, l’Amérique de Trump préfère ne pas s’associer aux sanctions des autres, et ne semble pas pressée de renforcer les paquets de sanctions de l’Union européenne à l’aide des siens propres.
Pour ce qui est de l’option d’une aide militaire à Kiev, Washington n’est prêt à l’envisager qu’à condition que l’Europe en paye le prix. Le chancelier Merz s’est rendu à cette condition, mais le président Macron, lui, a protesté, proposant de livrer à l’Ukraine des armes européennes plutôt que d’acheter de l’armement américain. À cette « coalition des réticents », formée par les circonstances et visant à bloquer le projet initial de nouveau modèle de réarmement de l’Ukraine proposé par Trump, se sont joints, aux côtés de la France, l’Italie, la Tchéquie et la Hongrie.
Dans ce contexte, l’initiative conjointe de création d’une « coalition des volontaires » composée de pays européens afin d’envoyer des troupes en Ukraine, avancée il y a quelques temps par le président Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer, a perdu tout sens dès le début de l’été, n’ayant pas reçu l’aval du gouvernement américain
En résumé, le président Macron glisse de plus en plus vers les marges de la politique transatlantique.
Aujourd’hui, le président Trump y joue le rôle principal, le chancelier Merz s’imposant comme numéro un en Europe. Quant à Macron, avec ses déclarations fortes – et pas seulement sur l’Ukraine – même ses alliés occidentaux cessent de le prendre au sérieux.
Commentant la promesse du maître de l’Élysée de reconnaître officiellement la Palestine lors de la réunion de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre, le président Trump a déclaré à la fin de la semaine écoulée que les propos de son homologue français n’avaient aucune importance. « Je l’apprécie, mais cette déclaration n’a pas de poids », a-t-il jeté avec condescendance.
L’ambassadeur des États-Unis en Israël, Mike Huckabee, s’est même permis de se moquer ouvertement d’Emmanuel Macron, en proposant d’installer un État palestinien sur le territoire de l’Hexagone. « La “déclaration” unilatérale par Macron d’un État “palestinien” ne précise pas OÙ il serait situé. Je peux désormais révéler en exclusivité que la France offrira la Côte d’Azur et que le nouveau pays sera appelé la “Franc-en-Stine” », a-t-il écrit méchamment sur X.
Pour autant, cela n’empêche pas Macron de générer des idées toutes plus « historiques » et « globales » les unes que les autres.
S’exprimant le mois dernier à la Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3), qui s’est tenue sur cette même Côte d’Azur, à Nice, sous présidence française, Macron a proclamé : « N’exploitons pas ces grands fonds marins ! Protégeons nos écosystèmes parce que nous ne savons pas ce qui peut s’en suivre, parce que vous avez là des réserves de carbone essentielles, parce que vous avez là des espèces que personne ne connaît encore. Ce combat est vital pour nous tous. Et je le dis ici avec force, les abysses ne sont pas à vendre, pas plus que le Groenland n’est à prendre, pas plus que l’Antarctique ou la haute mer ne sont à vendre. »
Sans doute, à ce moment-là, ne se sentait-il plus seulement président français, mais président du globe terrestre tout entier.
Il y a pourtant tout lieu de dire qu’Emmanuel Macron n’est pas un dirigeant, mais un phénomène, voire un diagnostic.
Un pur produit de la mutation contemporaine de la politique européenne, devenue frivole, irresponsable, pitoyable, et qui suscite le dégoût jusque dans son propre camp.
Les grands Européens du passé sont figés dans le marbre et le bronze, tandis qu’un spectre hante le Vieux Continent, errant de capitale en capitale : le spectre du macronisme.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.