«Les annonces que vous avez faites ne vous permettront pas de durer» : Lecornu à l’épreuve du Sénat

Dans la foulée de son discours de politique générale au Sénat ce 15 octobre, le nouveau Premier ministre français a essuyé les critiques des présidents des groupes d’opposition. Au centre, les soutiens du gouvernement ont fustigé La France insoumise et le Rassemblement national. Le PS, quant à lui, a critiqué le gouvernement, les LR et le RN.
« Bien évidemment, certains se satisfont d’un plat de lentilles pour prolonger le jour sans fin de la macronie. Mais quand les lentilles ne sont pas cuites, le plat est indigeste », a lancé ce 15 octobre depuis la tribune du Palais du Luxembourg Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste au Sénat, et de dénoncer un projet de budget qui « est la copie aggravée de celui de monsieur Bayrou ».
Une prise de parole qui suivait celle de Sébastien Lecornu, qui a fait devant la chambre haute son discours de politique générale. « Vous ne pouvez masquer le fait que le seul responsable du chaos politique et institutionnel actuel c’est le président de la République », a lancé la sénatrice avant de poursuivre : « et de vous à moi, les annonces que vous avez faites ne vous permettront pas de durer ».
« La Constitution n’a jamais prévu que les gouvernants et les représentants du peuple ne respectent pas le suffrage de ce peuple », a-t-elle encore ajouté fustigeant qu’Emmanuel Macron ait « a quatre reprises », « bafoué le vote des électeurs en nommant un Premier ministre de son camp ».
« Vous fermerez sans doute la porte derrière vous »
« Premier des macronistes, vous fermerez sans doute la porte derrière vous quand la supercherie du macronisme et du faux nouveau monde seront enfin derrière nous », a pour sa part lancé Christopher Szczurek, sénateur issu des rangs du Rassemblement national et membre de la commission des Finances.
« Au prix d’un sursis très hypothétique de l’injuste réforme des retraites, vous proposez non pas un budget de rupture, mais la continuité de la seule chose finalement stable et constante : l’agonie budgétaire, fiscale et sociale de la France », a-t-il enchaîné. Ce sénateur du Pas-de-Calais a renvoyé au programme électoral du RN et à ses « 100 milliards d’économies à notre portée ».
Du côté des soutiens, Sébastien Lecornu a notamment pu compter sur les sénateurs du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE). Sa présidente Maryse Carrère a toutefois enjoint le nouveau Premier ministre à « rassurer sur tous les fronts », notamment européen, ainsi qu’à un projet de budget « qui ne promet pas que du sang et des larmes » aux Français.
Un budget « plus difficile encore à bâtir qu’un meuble Ikéa »
Également présents pour défendre le nouveau chef du gouvernement, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), anciennement La République En Marche. « Ce budget, c’est l’urgence absolue », a défendu François Patriat, président de ces macronistes du Palais du Luxembourg, paraphrasant ainsi le nouveau Premier ministre dont il a salué la « modestie » et l’« humilité ».
Ce sénateur de la Côte d’Or a renvoyé les « grands débats idéologiques, les positionnements stratégiques, les ambitions personnelles » – qui selon lui « n’ont rien à faire dans cet hémicycle » – à la « prochaine campagne présidentielle qui aura lieu en 2027 ».
« Alors qu’ils cherchent le tumulte, nous œuvrons pour la stabilité », a-t-il encore affirmé, après avoir dénoncé l’« irresponsabilité des extrêmes », qu’incarnent selon lui « monsieur Mélenchon et sa horde de révolutionnaires de pacotilles fauteurs de troubles et à Madame Le Pen et son armée de poutinistes obnubilés par leurs ambitions personnelles et leurs promesses intenables ».
Offensive similaire à l’encontre de ces « ennemis de la démocratie » qui « se moquent du budget et de l’intérêt général » selon Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants. Évoquant un budget qui « s’annonce plus difficile encore à bâtir qu’un meuble Ikéa », celui-ci a toutefois reproché à Sébastien Lecornu son accord avec le Parti socialiste (PS) d’un Olivier Faure « qui se tortillait depuis des mois comme un lombric ».
« La politique est devenue un vaste cirque »
« Votre problème n’était pas d’acheter les socialistes, il était de ne pas les payer au prix qu’ils s’estiment. Permettez-moi de vous le dire : vous avez payé très cher », a-t-il asséné avant de poursuivre : « les hausses d’impôts ne comblent jamais le déficit, elles permettent seulement à l’État de dépenser encore plus ». « L’équation est pourtant simple, nous cumulons le taux de prélèvements le plus élevé et le déficit le plus abyssal de l’Union européenne. N’importe quel comptable débutant en tirerait la conclusion évidente : la France, c’est Gabegie le magnifique et il faut faire des économies », a-t-il encore déclaré.
Des socialistes, pointés du doigt par le bloc centriste, qui n’ont pourtant pas été avares en critiques à l’égard du nouveau gouvernement. « Avez-vous seulement conscience du degré de déconnexion entre vous qui gouvernez et les Français qui vous regardent ? » a interpellé Patrick Kanner, sénateur du Nord et président du groupe socialiste au Sénat, qui a apporté son soutien au Premier ministre.
« Par l’attitude de votre camp politique et en premier lieu du président de la République, la politique est devenue un vaste cirque aux yeux de nos concitoyens », a-t-il ajouté puis a taclé les « acrobates en chefs » qui sont à ses yeux Les Républicains.
« Quand la Macronie et la droite donnent ce spectacle, c’est l’ensemble de la classe politique qui est éclaboussé », a-t-il ajouté, avant de positionner les socialistes qui auraient « pu faire le choix de la censure » comme parangons de stabilité et de remettre sur la table la taxe Zucman. « Demander un tout petit peu à ceux qui ont plus que tout, pour épargner ceux qui n’ont rien, c’est bien la moindre des choses », a-t-il encore plaidé.