Israël sans masque : la force brute comme politique

Israël sans masque : la force brute comme politique Source: Sputnik
Israël sans masque : la force brute comme politique
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Fiodor Loukianov, rédacteur en chef du magazine «La Russie dans les affaires mondiales», voit dans l’invasion de Gaza l’aboutissement d’un tournant historique : Israël n’avance plus que par la force brute, sûr d’un appui américain inconditionnel et d’une impunité internationale. Un choix assumé au risque d’installer une guerre sans fin.

Israël a entamé son opération d’invasion terrestre de la ville de Gaza. Le secrétaire d’État américain Marco Rubio, qui revient d’une visite dans le pays, a transmis les instructions : « Ok, mais faites vite ». Ce qui inquiète Trump, ce n’est pas ce qui se passe, mais de quelle manière : plus les combats contre le Hamas et les ennemis d’Israël durent, plus la Maison Blanche en fait les frais politiques.

Pas fatal mais gênant, comme par exemple la frappe de l’armée israélienne sur Doha, la capitale du Qatar, un proche allié militaire et politique de Washington. L’objectif revendiqué était d’éliminer les responsables du Hamas qui s’y trouvaient pour négocier sur les prisonniers et un cessez-le-feu, avec l’aide des médiateurs qataris. À ce qu’il paraît, la question n’a pas été réglée, et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a requalifié rétroactivement cette attaque de « message clair ». Autrement, il n’existe pas d’endroit sûr pour les radicaux et Israël ne reconnaît à personne le droit de leur donner refuge. En l’occurrence, ça a marché. Israël a bien démontré que les considérations politiques et diplomatiques traditionnelles ne jouent plus aucun rôle.

Près d’une semaine plus tard, la Ligue des États arabes et l’Organisation de la coopération islamique se sont réunies à Doha pour dénoncer l’agression et menacer Israël de lourdes conséquences. Les participants au forum se sont dits déterminés à suspendre l’adhésion du pays à l’ONU. Purement démonstrative, la menace est impossible à mettre en pratique. D’ailleurs, même si une telle initiative était réalisée, Israël continuerait à atteindre ses objectifs en s’appuyant sur ses propres forces et le soutien des États-Unis, qui ne lui fera pas défaut. Il est frappant de constater qu’au deuxième quart du XXIe siècle, un peuple entier, dont les Palestiniens, est un otage désespéré dans un clinch militaire, politique et idéologique résolu uniquement par la force, sans la moindre diplomatie réelle. Cependant, toute évaluation morale mise à part, force est de constater qu’il n’existe pour le moment aucun obstacle à la mise en œuvre de la politique israélienne. Il y a deux ans, le Hamas a donné à Israël prétexte à des actions qu’il aurait été impossible de justifier sans le massacre d’octobre. Mais ils ont attaqué le territoire israélien, ce dont les radicaux se sont beaucoup vantés, et les freins ont été levés. Aujourd’hui, quand le Premier ministre Netanyahou déclare qu’Israël mène une guerre sur sept fronts et qu’il est prêt à l’élargir, ce n’est plus de l’épate, c’est un objectif clair.

Le slogan de Trump « la paix par la force » a atteint chez Israël son expression la plus extrême : par la force et seulement par elle.

Il s’agit d’une rupture avec la politique qui, de manière déclinante, avait été menée pendant trois décennies. À savoir : la tentative de faire coexister côte à côte deux États, basée sur la contrainte exercée sur Israël pour qu’il fasse certaines concessions territoriales et substantielles et qu’il aide les Palestiniens à mettre en place un semblant d’État fonctionnel. En fin de compte, tout a échoué, mais personne n’a pu le reconnaître ouvertement. Cette approche correspondait à l’esprit du prétendu ordre mondial libéral et était considérée (en grande partie de manière hypocrite) comme sans alternative.

Désormais, Israël compte sur sa capacité à employer la force contre tous ses adversaires. Les effets secondaires et les dommages collatéraux ne sont pas pris en compte. Sa supériorité technique et militaire est incontestable, ses opposants sont considérablement affaiblis. Personne n’est volontaire pour intervenir et aider ceux que frappe Israël. Au niveau politique, la réaction ne dépasse pas le cadre rhétorique. Les pays de la région, en premier lieu les monarchies arabes mais aussi la Turquie, comprennent en quoi consiste le nouvel équilibre des forces et ne veulent pas prendre de risques.

Une bonne leçon pour les alliés américains dans la région : en cas de problème, quoi qu’il arrive, pour les États-Unis, Israël compte plus que tous les autres. Bien que Trump ait grondé Netanyahou pour le coup porté au Qatar, aucune mesure n’a été prise. On ignore jusqu’à quel point Washington était informé à l’avance de l’opération, mais apparemment, il était au courant. Il ne l’a pas empêché. Il est peu probable que les puissances du Moyen-Orient se réorientent vers d’autres partenaires ou protecteurs ; ils préféreront sans doute adopter une attitude encore plus prudente. L’opinion des riches monarchies, selon laquelle tous les problèmes peuvent se résoudre par l’argent, est de plus en plus remise en question. Cela dit, la tactique consistant à se racheter pour éviter les problèmes et à acheter la loyauté des puissants ne changera pas, seulement le nombre de clients s’élargira conformément à l’esprit du monde multipolaire. En conséquence, il faudra plus d’argent.

Considérer Israël comme un vainqueur ? Les capacités politico-militaires des principaux adversaires sapées et la certitude des grandes puissances qu’il vaut mieux éviter de s’accointer avec un voisin pareil, tel est le résultat. Mais la paix par la force implique d’être en permanence en état d’alerte.

D’aucuns peuvent retorquer : Israël a-t-il jamais vécu autrement ? C’est vrai, mais il n’avait jamais fait montre d’un tel mépris pour les instruments diplomatiques, semble-t-il. Y compris les relations diplomatiques avec son protecteur, désormais mis devant le fait accompli.

Différence importante par rapport au passé : la transformation de la perception d’Israël comme État créé par un peuple-victime d’un des plus grands crimes de l’histoire. C’était un facteur international majeur. La réponse israélienne à toute critique est de comparer l’adversaire aux criminels nazis, mais l’efficacité de cette stratégie diminue au regard de son activité militaire. Si la confrontation dans la région devient une lutte entre puissances locales pour l’influence dans laquelle Israël est le plus fort parce que le plus impitoyable, alors le pari sur la force sera permanent. Jusqu’à ce qu’apparaisse quelqu’un d’encore plus fort. Ou jusqu’à ce que les priorités de son protecteur changent.

L'article a été initialement publié en russe dans le magazine « La Russie dans les affaires mondiales » et traduit en français par l'équipe de RT. 

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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