France : le gouvernement repart à la charge contre la fraude fiscale

L'État cherche à intensifier la détection et la sanction des fraudes sociales et fiscales via des mesures coercitives. Ce projet repose sur une vaste palette de dispositifs controversés. Les débats à venir opposeront ceux qui perçoivent ces mesures comme nécessaires et ceux qui y voient une menace pour les droits des plus vulnérables.
Le gouvernement a dévoilé un projet de loi ambitieux de lutte contre les fraudes sociales et fiscales, qu’il juge suffisamment crucial pour l’inscrire dès son premier conseil des ministres. En pleine recherche de marges budgétaires, l’exposé des motifs affirme que « les fraudes aux finances publiques constituent une atteinte directe au pacte républicain » et que l’arsenal actuel doit être fortement renforcé.
Concrètement, le texte prévoit un accès des caisses de Sécurité sociale aux fichiers patrimoniaux des allocataires, l’interdiction de verser l'allocation chômage sur des comptes hors d’Europe, une taxation renforcée des revenus illicites (trafic, fraude), la géolocalisation obligatoire des ambulanciers et taxis, ou encore des sanctions doubles pour les professionnels de santé fraudeurs.
Un projet loin de faire consensus
Il introduit aussi une procédure de « flagrance sociale » : l’Urssaf pourrait bloquer immédiatement les avoirs et saisir les biens d’entreprises suspectes de travail dissimulé, sans attendre une décision de justice. Une solidarité financière est imposée entre donneurs d’ordres et sous‑traitants pour le paiement des cotisations recouvrées.
Mais ce « tout terrain » législatif soulève des critiques. Certains le qualifient de « ramasse‑miettes » de mesures diverses, déjà tentées sous d’autres régimes et souvent retoquées par le Conseil constitutionnel. La sénatrice UDI Nathalie Goulet critique un texte « hétéroclite » sans force réelle.
Le Conseil d’État, saisi pour avis, recommande d’alléger certaines dispositions, notamment celle autorisant l’accès aux fichiers fiscaux, et d’introduire des garde-fous pour préserver les libertés publiques. Un obstacle majeur est l’incertitude des montants récupérables. Le Conseil d’analyse économique (CAE) estime la fraude sociale à entre 13 et 16 milliards d’euros/an et la fraude fiscale à entre 14 et 52 milliards, avec une incertitude élevée.
Le CAE qualifie de « chimérique » l’objectif affiché de 15 milliards, envisageant plutôt des recettes supplémentaires de l’ordre de 4,2 milliards. Le Haut Conseil des finances publiques juge l’objectif de 1,5 milliard pour 2026 « peu crédible ». La promesse d’une « lutte d’automne 2025-hiver 2026 » se dessine, mais les débats s’annoncent féroces : face à ce texte, les oppositions dénoncent une stigmatisation des plus précaires.
Le député insoumis Thomas Portes met en garde contre une focalisation sur la fraude sociale plutôt que sur l’évasion fiscale, tandis qu’ATD Quart-Monde et la Fédération des acteurs de la solidarité alertent sur une « maltraitance institutionnelle » envers les populations modestes.